Le lobby des pesticides échappe à une mise en demeure de la HATVP

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) n'adressera pas de mise en demeure au lobbyiste Phyteis, qui représente les fabricants de pesticides, contrairement à l'Assemblée et au Sénat, a-t-elle annoncé jeudi.

En revanche, le président de la Haute Autorité, Didier Migaud, a reçu jeudi le président de Phyteis, Yves Picquet, et a pointé un "manque de rigueur et de mesure" dans les actions de lobbying menées par Phyteis pour contrer les effets de la loi Egalim du 30 octobre 2018.

La HATVP, le comité de déontologie parlementaire du Sénat et le déontologue de l'Assemblée avait été saisis en février par plusieurs ONG dont Transparency International, qui soupçonnaient Phyteis d'avoir manqué "à son obligation déontologique de sincérité" dans sa communication concernant les effets sur l'emploi de cette loi.

Ces ONG se demandaient si l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP, renommée Phyteis en 2022) avait délibérément exagéré le nombre d'emplois menacés par la loi, qui a interdit la production, le stockage et la circulation en France de produits phytopharmaceutiques contenant des substances interdites en Europe.

La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a mis en demeure Phyteis le 30 juin, lui demandant de "respecter les obligations déontologiques auxquelles les représentants d'intérêts sont assujettis". Le président du Sénat Gérard Larcher avait fait de même le 3 mai, mettant pour la première fois en oeuvre cette procédure prévue par la loi "Sapin II" du 9 décembre 2016.

Pourquoi la HATVP en a-t-elle décidé autrement ? Auprès de la presse, M. Migaud a expliqué que la Haute Autorité avait eu à juger seulement des courriers de Phyteis au gouvernement, lesquels étaient rédigés "plus prudemment" que les adresses aux parlementaires sur lesquelles Mme Braun-Pivet et M. Larcher ont fondé leurs décisions.

Il a aussi souligné les limites de l'action de la HATVP, en l'absence de "code déontologique" censé encadrer l'action des représentants d'intérêt. Promis par la loi Sapin II, il n'a jamais vu le jour.

"Les décisions que nous prenons sont susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat, nous sommes obligés d'avoir une base juridique solide, ce qui n'était pas complètement le cas ici (...) Si vous avez bien défini les obligations déontologiques des uns et des autres, si vous avez bien défini les procédures, ça rend beaucoup plus solides vos dossiers", a-t-il dit.

Dans un communiqué Phyteis avait justifié ses estimations, correspondant au "recensement le plus objectif possible, (en) novembre 2018, du nombre d'emplois concernés" par la mesure législative, "alors floue et imprécise, prise par voie d'amendement, sans étude d'impact préalable".